Berger : l'existence sans refuge

« Ici. les nuits sont tailladées. Le sommeil un clandestin. La vie fragmentée. Débarrassé du superflu, je vis sur la crête de l'instant. »

Au tournant de la trentaine, après avoir désiré la réussite, connu l'aliénation d'une vie de bureau, une brève expérience politique et participé au mouvement Nuit debout, Joseph Boussion a tout plaqué pour devenir berger. Il a lu Thoreau et Giono et fantasme un idyllique retour aux sources fait de méditation et de calme. C'est la violence et la brutalité qui l'attendent.

Dans ce récit intense et habité, il raconte son passage du confort et de l'agitation des villes à la solitude des estives : les journées éreintantes à traverser les montagnes fouettées par le vent et la pluie ; les nuits sans sommeil à repousser les loups fusil en main ; les certitudes qu'il faut quitter pour plonger dans l'imprévisible. Il dit la peur, la souffrance du corps et la folie qui affleure, les réalités économiques d'une vie moins libre qu'on ne croit. Mais aussi l'affection qui le lie à ses bêtes, l'amitié qu'il noue avec les rares habitants des hauteurs, les paysages modelés par le troupeau qu'il mène, la magie de ses sensations retrouvées. L'audace qu'il faut, surtout, pour modifier le tracé d'une existence. Et la conscience d'être revenu à la vie.